Trop d’infos tuent l’info
- Olivier HELL

- 17 août
- 4 min de lecture

Lundi 8h – Réunion de l’état-major de l’entreprise. Le nouveau Responsable des achats souhaite travailler différemment ses négociations avec les principaux fournisseurs et a besoin de connaître les volumes d’achats que commandent chacune des 50 agences de l’entreprise réparties sur tout le territoire métropolitain. Suite à cette réunion, le Directeur financier va voir son Contrôleur de gestion, déjà noyé par tous ses tableaux croisés dynamiques, et lui demande pour « hier » un état complet sur les achats des agences, et comme il anticipe de futures demandes du Responsable des achats, on ajoutera une dizaine de données et d’indicateurs additionnels.
La Data ! Avec tous les logiciels intégrés, le cloud, les données en accès libre, de la data il y en a partout. C’est devenu la drogue du manager.
Dans un contexte économique où les cycles de décision se raccourcissent, où les marges se tendent et où la concurrence se renforce, la donnée est devenue un actif stratégique au même titre qu’un portefeuille client ou un savoir-faire industriel.
Pour le contrôle de gestion, qui a pour mission d’éclairer la direction et les managers par une information fiable et pertinente, la capacité à exploiter les données disponibles au sein de l’entreprise n’est pas seulement un enjeu technique : c’est un facteur décisif de compétitivité.
Pour y parvenir, quatre dimensions clés doivent être prises en compte :
La disponibilité de la donnée
Le temps d’obtention et de traitement
Le coût financier associé
La pertinence de l’information restituée.
1. La disponibilité de la donnée : une question d’accessibilité et de fiabilité
La donnée est souvent comparée à du pétrole brut : elle ne vaut que si l’on peut l’extraire et la raffiner. Dans de nombreuses entreprises, la difficulté ne réside pas dans l’absence de données, mais dans leur dispersion et leur droit d’usage :
Multiplication des outils (ERP, CRM, fichiers Excel, plateformes collaboratives)
Bases de données cloisonnées entre services
Informations critiques détenues « hors système » par quelques personnes clés
Limitation d’accès nécessitant une autorisation par un tiers ou lié à un niveau hiérarchique dans l’entreprise
Conséquence : même si les données existent, elles peuvent être difficiles à identifier, à collecter et à fiabiliser.
Pour un contrôle de gestion performant, la disponibilité passe par :
Une cartographie claire des sources de données
Une centralisation ou au moins une interconnexion des systèmes
Des protocoles de mise à jour régulière pour garantir la fraîcheur des informations
Une qualité documentaire qui évite les zones d’ombre (définitions des indicateurs, formats standardisés)
Une donnée fiable et accessible est le socle de toute analyse pertinente. Sans elle, le risque est de bâtir des tableaux de bord sur des informations partielles ou obsolètes, menant à de mauvaises décisions.
2. Le temps d’obtention et de traitement : réduire le cycle de la donnée
Un contrôle de gestion efficace se mesure aussi à sa réactivité. Il ne suffit pas d’avoir l’information ; encore faut-il l’avoir au bon moment.
Trop souvent, l’obtention d’un indicateur clé (chiffre d’affaires mensuel, marge par produit, niveau de stocks) peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines :
Extraction manuelle de fichiers
Traitement chronophage sous Excel
Validation hiérarchique à rallonge
Corrections multiples pour incohérences
Pendant ce temps, les opportunités peuvent se perdre et les problèmes s’aggraver.
Objectif : réduire au maximum le délai entre la collecte de la donnée brute et la restitution de l’information analysée.
Cela passe par :
L’automatisation des extractions et traitements (ETL, reporting automatisé, Business Intelligence)
La formation des équipes aux outils et aux bonnes pratiques
La mise en place d’indicateurs temps réel pour certaines données critiques
La réduction des points de friction organisationnels (processus de validation simplifiés)
Un cycle de donnée court permet au contrôle de gestion de jouer pleinement son rôle de « tour de contrôle » : anticiper plutôt que constater.
3. Le coût financier : optimiser l’investissement dans la donnée
La donnée n’est pas gratuite. Son obtention, son traitement et sa restitution mobilisent :
Des licences logicielles (ERP, BI, outils d’analyse)
Des ressources humaines (contrôleurs de gestion, data analysts, informaticiens)
Des infrastructures (serveurs, stockage cloud, sécurité)
Ces coûts peuvent rapidement s’accumuler, surtout si les processus sont redondants ou inefficaces.
L’enjeu est double :
Maximiser le retour sur investissement (ROI) en ciblant les données réellement utiles
Rationaliser les outils et ressources pour éviter les doublons et les gaspillages
Une approche efficace consiste à appliquer une logique de coût-bénéfice :
Chaque indicateur ou rapport produit doit avoir une utilité décisionnelle clairement identifiée
Les coûts de production doivent être proportionnés à la valeur ajoutée de l’information
Le contrôle de gestion doit donc être non seulement producteur, mais aussi arbitre : décider quelles données valent la peine d’être collectées et traitées, et lesquelles ne le justifient pas.
4. La pertinence de la donnée : le cœur de la valeur ajoutée
Une donnée disponible, rapide à obtenir et peu coûteuse à produire n’a aucun intérêt si elle n’est pas pertinente pour la décision à prendre.
La pertinence repose sur plusieurs critères :
Lien direct avec les enjeux stratégiques et opérationnels
Capacité à éclairer une décision ou à orienter une action
Lisibilité et compréhension par le public cible (direction, opérationnels, comité exécutif)
Cela implique un travail constant d’alignement entre le contrôle de gestion et les décideurs : comprendre leurs besoins, anticiper leurs questions, et adapter la présentation des résultats (tableaux, graphiques, synthèses) pour faciliter la lecture et l’appropriation.
Un bon tableau de bord n’est pas celui qui contient le plus d’indicateurs, mais celui qui met en avant les bons indicateurs au bon moment, dans un format clair.
Conclusion : du contrôle de gestion au pilotage stratégique
Exploiter la donnée de manière optimale n’est pas seulement un sujet technique : c’est un projet d’entreprise.
Cela suppose :
Une vision claire de ce que l’on veut mesurer et pourquoi
Des processus fluides pour collecter, traiter et restituer
Une culture de la donnée partagée par l’ensemble des équipes
Un dialogue permanent entre contrôle de gestion, direction et opérationnels
En maîtrisant la disponibilité, le temps, le coût et la pertinence de la donnée, le contrôle de gestion devient un partenaire stratégique, capable non seulement de mesurer la performance passée, mais surtout d’anticiper et d’accompagner les décisions qui façonneront l’avenir de l’entreprise.

Commentaires